Que signifient les crédits de biodiversité pour la conservation et les entreprises ?

Imaginez une entreprise qui investit dans le remplacement des pins commerciaux par des pins à longues aiguilles indigènes, créant ainsi un habitat pour des espèces menacées telles que le pic à crête rouge, tout en générant des crédits de biodiversité vendus aux États-Unis. Cette transaction représente plus qu'une simple transaction commerciale : elle marque l'émergence d'un nouveau mécanisme de marché conçu pour monétiser la conservation et la restauration de la biodiversité de la Terre, qui disparaît rapidement.

Que sont les crédits de biodiversité ?

Les crédits de biodiversité sont des instruments financiers qui représentent des améliorations mesurables de la santé des écosystèmes et de la diversité des espèces. À l'instar des crédits carbone, qui permettent aux entreprises de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre, les crédits de biodiversité permettent aux organisations d'investir dans des projets qui améliorent les habitats naturels, protègent les espèces menacées et restaurent les écosystèmes dégradés. Chaque crédit représente une unité quantifiée d'avantage pour la biodiversité, mais contrairement à la mesure simple du carbone en tonnes de CO2, la mesure des améliorations de la biodiversité présente des défis uniques.

Ce concept est né d'une prise de conscience croissante que les modèles traditionnels de financement de la conservation sont insuffisants pour faire face à la crise croissante de la biodiversité. Avec l'accélération du rythme d'extinction des espèces et la pression sans précédent qui pèse sur les écosystèmes, les défenseurs de l'environnement et les innovateurs financiers explorent des solutions basées sur le marché afin de canaliser les capitaux privés vers la protection de la nature à grande échelle.

La situation actuelle du marché

Le marché des crédits de biodiversité en est encore à ses balbutiements, avec des ventes mondiales totales comprises entre 325 000 et 1,9 million de dollars depuis 2022, selon le cabinet de conseil Pollination. Ce marché naissant manque de la transparence des prix et de la normalisation qui caractérisent les marchés environnementaux plus matures, ce qui se traduit par de grandes variations dans la tarification et la méthodologie des crédits.

Plusieurs pays commencent à formaliser des cadres de crédits pour la biodiversité. L'Australie et la Colombie développent des structures réglementaires, tandis que l'Union européenne et d'autres juridictions étudient la mise en place d'exigences obligatoires en matière de biodiversité pour les entreprises. Le sommet mondial sur la biodiversité de 2024 à Cali, en Colombie, a vu le lancement de plusieurs normes comptables volontaires visant à créer des protocoles de mesure et de vérification plus cohérents.

Le défi de la quantification

L'un des principaux obstacles auxquels sont confrontés les crédits de biodiversité est le défi fondamental que représente leur mesure. Alors que les crédits carbone bénéficient d'une unité de mesure claire et universelle (les tonnes d'équivalent CO2), la biodiversité se décline en plusieurs dimensions qui résistent à une quantification simple. Comment comparer la valeur de la protection d'un écosystème de zone humide à celle de la restauration d'une prairie ? Comment évaluer la diversité des espèces par rapport à la connectivité des habitats ou à la résilience des écosystèmes ?

Cette complexité s'étend également au point de vue de l'acheteur. Les entreprises qui cherchent à compenser leur empreinte carbone ont une base de référence claire : leurs émissions mesurées. Mais les organisations qui souhaitent agir sur leur impact sur la biodiversité sont confrontées à un calcul plus ambigu. Il n'existe pas de méthode universellement acceptée pour quantifier « l'empreinte biodiversité » d'une entreprise, ce qui rend difficile pour les acheteurs de déterminer le nombre de crédits qu'ils doivent acheter.

Malgré ces défis, plusieurs méthodologies voient le jour. Certaines se concentrent sur les mesures de l'abondance et de la diversité des espèces, d'autres mettent l'accent sur la qualité et la connectivité des habitats, tandis que d'autres encore tentent de saisir la fonctionnalité plus large des écosystèmes. La clé réside dans l'élaboration de normes à la fois rigoureuses sur le plan scientifique et applicables dans la pratique dans divers contextes géographiques et écologiques.

Facteurs déterminants et motivations du marché

Les acheteurs actuels de crédits de biodiversité sont motivés par diverses raisons, même si la plupart des premiers acheteurs souhaitent avant tout démontrer leur engagement en faveur de la protection de l'environnement plutôt que de se conformer à des exigences réglementaires. Certaines entreprises reconnaissent que leurs chaînes d'approvisionnement dépendent de la santé des écosystèmes : les entreprises agricoles bénéficient de l'habitat des pollinisateurs, tandis que les industries grandes consommatrices d'eau dépendent de la protection des bassins versants.

Défis et scepticisme

Les détracteurs soulèvent plusieurs préoccupations concernant les crédits de biodiversité. Certains craignent que ces mécanismes de marché ne deviennent une autre forme de « greenwashing », permettant aux entreprises de poursuivre leurs pratiques néfastes tout en achetant des crédits pour compenser leur impact. Les difficultés rencontrées par le marché des crédits carbone en matière de vérification, d'additionnalité et de permanence constituent des exemples édifiants pour les marchés de la biodiversité.

Il existe également un débat sur la question de savoir si les avantages liés à la biodiversité peuvent ou doivent être négociés comme des marchandises. Contrairement au carbone, qui se mélange uniformément dans l'atmosphère, la biodiversité est intrinsèquement locale et spécifique à chaque contexte. Un projet de restauration forestière au Brésil ne peut pas compenser de manière significative la destruction d'habitats en Indonésie, mais les cadres de crédits actuels ne tiennent pas toujours compte de cette spécificité géographique.

La voie à suivre

Malgré leurs limites actuelles, les crédits biodiversité constituent un outil prometteur pour développer le financement de la conservation. Le déficit mondial de financement pour la protection de la biodiversité est estimé à 700 milliards de dollars par an, ce qui dépasse largement les budgets actuels consacrés à la conservation. Si le Boston Consulting Group estime que les crédits biodiversité couvriront moins de 1 % de ce déficit d'ici 2030, même cette modeste contribution pourrait soutenir d'importants projets de conservation.

Le succès dépendra de l'élaboration de normes efficaces qui garantissent l'intégrité environnementale tout en créant une demande suffisante sur le marché. 

L'avenir des crédits de biodiversité réside probablement dans des approches hybrides combinant les marchés volontaires et les nouvelles exigences réglementaires, soutenues par des technologies de mesure améliorées et des cadres comptables normalisés.

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