Pourquoi les OSC considèrent que le risque de sécheresse prend de plus en plus d'importance dans l'agenda politique

Les dernières perspectives mondiales de l'OCDE en matière de sécheresselancent un avertissement sévère : les coûts liés à la sécheresse augmentent à un rythme annuel de 3 à 7,5 %, et les impacts moyens de la sécheresse devraient coûter 35 % de plus d'ici 2035 qu'aujourd'hui. Pour les responsables du développement durable (RDD) et les dirigeants d'entreprise, cela représente bien plus qu'une préoccupation environnementale : il s'agit d'un risque commercial fondamental qui doit être immédiatement intégré dans les évaluations de matérialité et les cadres de gestion des risques d'entreprise.

Avec près de la moitié de la superficie terrestre mondiale touchée par des conditions de sécheresse extrême en 2023 et 40 % de la planète confrontée à des sécheresses plus fréquentes et plus intenses au cours des dernières décennies, les entreprises ne peuvent plus considérer la sécheresse comme un risque marginal. Le temps des approches réactives est révolu ; une gestion proactive des risques liés à la sécheresse est désormais essentielle pour assurer la continuité des activités et la résilience à long terme.

Intégration de l'évaluation de la matérialité

Les OSC doivent repenser fondamentalement la manière dont la sécheresse apparaît dans leurs évaluations de matérialité. Les approches traditionnelles considèrent souvent la sécheresse comme un problème agricole localisé, mais le rapport de l'OCDE révèle sa nature systémique dans de multiples dimensions commerciales. Les entreprises devraient évaluer la matérialité de la sécheresse dans quatre domaines critiques : les impacts opérationnels directs, les vulnérabilités de la chaîne d'approvisionnement, les perturbations du marché et les risques de non-conformité réglementaire.

Les répercussions opérationnelles directes vont au-delà des industries à forte consommation d'eau. Les installations de fabrication sont confrontées à des perturbations de la production lorsque l'approvisionnement en eau diminue, tandis que les entreprises énergétiques subissent une réduction de leur capacité hydroélectrique et une augmentation des coûts de refroidissement. Même les entreprises de services sont confrontées à des défis, car la sécheresse affecte les besoins en refroidissement des centres de données et la productivité des employés dans les environnements climatisés.

La matérialité de la chaîne d'approvisionnement nécessite de cartographier l'exposition à la sécheresse à tous les niveaux de la chaîne d'approvisionnement. Les produits agricoles sont confrontés à des risques évidents, les rendements agricoles pouvant baisser jusqu'à 22 % lors des années particulièrement sèches, selon l'analyse de l'OCDE. Cependant, les fournisseurs de deuxième et troisième rangs présentent souvent des vulnérabilités cachées : les fabricants de semi-conducteurs ont besoin d'eau ultra-pure, les producteurs textiles dépendent de la culture du coton et les fournisseurs d'emballages s'approvisionnent en produits forestiers provenant de régions touchées par la sécheresse.

Évolution du cadre d'évaluation des risques

Les évaluations traditionnelles des risques évaluent généralement la sécheresse sous l'angle étroit de la pénurie d'eau. Les conclusions de l'OCDE exigent une approche plus sophistiquée qui considère la sécheresse comme un multiplicateur de risques systémiques. Les OSC devraient élaborer des cadres d'évaluation des risques qui tiennent compte à la fois des impacts directs de la sécheresse et de ses effets en cascade sur les systèmes interconnectés.

Les risques physiques nécessitent une cartographie géographique des opérations et des chaînes d'approvisionnement par rapport aux modèles de probabilité de sécheresse. L'OCDE identifie des zones sensibles, notamment l'ouest des États-Unis, l'Amérique du Sud, le sud et l'est de l'Europe, le sud de l'Australie et certaines régions d'Afrique et de Russie. Les entreprises exposées à ces régions ont besoin de systèmes de surveillance renforcés et de stratégies d'approvisionnement alternatives.

Des risques de transition apparaissent lorsque les gouvernements mettent en œuvre des politiques d'adaptation à la sécheresse. Les restrictions en matière d'allocation de l'eau, les programmes de soutien à l'agriculture et les investissements dans les infrastructures créent des incertitudes réglementaires qui peuvent avoir un impact significatif sur les modèles économiques. Les entreprises fortement dépendantes de processus gourmands en eau peuvent être confrontées à des exigences obligatoires en matière d'efficacité ou à des changements de prix qui affectent leur positionnement concurrentiel.

Les risques financiers se manifestent par le biais de multiples canaux. Les coûts d'assurance augmentent à mesure que la fréquence des sécheresses s'accroît, tandis que la valeur des actifs diminue dans les régions sujettes à la sécheresse. Les besoins en fonds de roulement augmentent à mesure que les entreprises constituent des stocks tampons pour faire face aux perturbations de l'approvisionnement, et les facilités de crédit peuvent être soumises à des conditions plus strictes en raison de l'augmentation des risques opérationnels.

Gestion des vulnérabilités de la chaîne logistique

Le rapport de l'OCDE met l'accent sur les pertes de productivité agricole (62 % des aquifères surveillés sont en déclin), ce qui laisse présager de profondes répercussions sur la chaîne d'approvisionnement. Les organisations de la société civile doivent élaborer des stratégies d'approvisionnement résilientes à la sécheresse qui vont au-delà des approches traditionnelles de diversification.

L'évaluation des matières premières essentielles doit donner la priorité aux intrants à forte consommation d'eau et évaluer les sources alternatives. Les entreprises qui dépendent des produits agricoles doivent comprendre les tendances en matière d'humidité des sols, les taux d'épuisement des nappes phréatiques et l'efficacité des systèmes d'irrigation chez leurs fournisseurs. Cela nécessite un engagement plus profond auprès des fournisseurs afin de comprendre leurs pratiques de gestion de l'eau et leur préparation à la sécheresse.

Les programmes de résilience des fournisseurs devraient intégrer des indicateurs spécifiques à la sécheresse dans les critères d'évaluation des fournisseurs. Cela comprend l'évaluation des investissements des fournisseurs en matière d'efficacité hydrique, la planification d'urgence en cas de sécheresse et la répartition géographique des risques. Les entreprises devraient également envisager de soutenir l'adaptation des fournisseurs par le biais de transferts de technologie, de programmes de financement ou d'initiatives de recherche collaborative.

Reconnaissance des risques en cascade

Les effets de la sécheresse vont bien au-delà de la disponibilité immédiate de l'eau. L'analyse de l'OCDE révèle comment la dégradation des sols, la perturbation des écosystèmes et la perte de biodiversité créent des risques combinés qui affectent les activités commerciales de manière inattendue. Les OSC doivent reconnaître ces vulnérabilités interdépendantes dans leurs évaluations des risques.

Les risques liés aux infrastructures apparaissent lorsque les conditions de sécheresse mettent à rude épreuve les réseaux de transport, les réseaux énergétiques et les systèmes de communication. La baisse du niveau des cours d'eau affecte la capacité de transport fluvial, tandis que le risque accru d'incendies de forêt menace les corridors de transport et le fonctionnement des installations. La stabilité du réseau électrique diminue à mesure que la production hydroélectrique baisse et que les besoins en refroidissement augmentent.

Les risques sociaux amplifient les répercussions sur les entreprises en raison des déplacements de populations, des changements dans la disponibilité de la main-d'œuvre et des changements de comportement des consommateurs. L'OCDE note que les sécheresses sont responsables de 34 % des décès liés aux catastrophes naturelles et exacerbent la pauvreté et les inégalités. Les entreprises opérant dans les régions touchées par la sécheresse peuvent être confrontées à des perturbations de leur main-d'œuvre, à des défis en matière d'acceptabilité sociale et à des risques pour leur réputation.

Cadre de réponse stratégique

Les OSC devraient mettre en œuvre des stratégies globales de lutte contre la sécheresse qui répondent à la fois aux exigences en matière d'atténuation et d'adaptation. Les investissements dans l'efficacité hydrique deviennent essentiels dans toutes les opérations, l'OCDE mettant en avant les innovations en matière de technologies de recyclage, de collecte et de conservation qui peuvent réduire considérablement la consommation d'eau industrielle.

L'adaptation fondée sur les écosystèmes offre un double avantage : elle renforce la résilience naturelle face à la sécheresse tout en soutenant les objectifs en matière de biodiversité. Les entreprises peuvent investir dans la restauration des bassins versants, la gestion durable des terres et la protection des services écosystémiques, ce qui renforce la sécurité hydrique régionale tout en faisant progresser les engagements environnementaux.

L'intégration technologique doit se concentrer sur la surveillance de la sécheresse, l'analyse prédictive et les systèmes de réponse automatisés. Les prévisions météorologiques avancées, les capteurs d'humidité du sol et les plateformes de visibilité de la chaîne d'approvisionnement permettent une gestion proactive plutôt qu'une réponse réactive aux crises.

Les perspectives de l'OCDE en matière de sécheresse représentent un moment décisif pour le leadership des entreprises en matière de développement durable. Les organisations de la société civile qui reconnaissent la sécheresse comme un risque commercial fondamental et intègrent des stratégies de réponse globales dans leurs évaluations de matérialité et leurs cadres de gestion des risques se doteront d'avantages concurrentiels dans un monde où l'eau est de plus en plus rare. Celles qui ne prendront pas de mesures risquent de voir leurs activités faire partie des victimes d'un avenir de plus en plus sujet à la sécheresse.

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